Interview de Laurent Bourrelly

février, 7, 2011
Sylvain

Laurent Bourrelly est une figure de la (petite) communauté référencement française. Vous le connaissez probablement déjà, en particulier au travers de la lecture de son blog ou de ses tweets. J’ai toujours trouvé sa démarche intéressante, et je suis souvent amusé de voir qu’il est toujours prêt à défendre ces idées, parfois avec véhémence, contre vents et marées. Il a accepté très gentiment de répondre à mes questions, je l’en remercie.

  • Laurent, peux tu nous dire en quelques mots qui tu es ?

Je suis consultant en référencement. C’est-à-dire que je conseille les entreprises dans la marche à suivre pour être performantes sur Internet. Je fais uniquement des prestations de conseil tout simplement parce que j’ai toujours géré ma propre synergie Web. Cela serait impossible d’être performant sur le plan opérationnel pour autrui et pour moi-même.
Pour ceux qui veulent en savoir plus, voici ma bio complète.

  • Tu es une figure de la scène SEO francophone, qui est assez souvent au coeur de controverses diverses et variées ? Est ce une volonté (tu veux « rétablir » l’ordre des choses) ? Est ce malgré toi ?

Disons que c’est un positionnement naturel. Je n’aime pas la langue de bois et l’hypocrisie. Sans parler des légendes urbaines et autres rumeurs qui sont dommageables. Pour autant, je ne me place pas comme un chevalier blanc qui doit rétablir l’ordre. Peu importe qu’on soit d’accord ou pas avec moi ; ce qui m’importe est de créer une réaction. Dans le référencement, la seule vérité que je connaisse est à l’écran. Tout le reste est pure mythologie. De ce fait, il n’existe pas une seule vérité, mais il demeure un grand nombre de chemins de traverse dans lesquels les gens s’engouffrent allègrement.
Par rapport à mes opinions, je ne suis pas borné et je ne clame pas posséder la science infuse. On peut tout à fait me faire changer d’avis si l’argument est valable.

  • Plus les années passent, et plus je te sens sur la branche « méthodologique » du SEO, avec un discours « tout le monde connait les techniques, peu savent vraiment les mettre en place sérieusement », est ce une vision correcte ?

Si tu fais référence aux billets de mon blog, ce sont majoritairement des réflexions par rapport à du vécu. Cela peut-être une problématique au sein d’une prestation ou une discussion avec des collègues qui m’inspirent de rédiger ma propre vision.
Pour moi, le référencement n’est pas compliqué ; par contre c’est de plus en plus difficile. Cela dit, comme je dis toujours, tu ne me verras jamais dire que je suis le meilleur ou même « bon ». Par contre, je peux te certifier que beaucoup sont franchement mauvais. En bossant à peu près correctement, on arrive toujours à d’excellents résultats. La perfection est impossible à atteindre.
Aujourd’hui, j’ai une grosse partie de clients qui viennent me voir en possédant déjà de grandes connaissances en référencement. Leur désir est de trier toute cette information qui a brouillé leur vision, permettant d’apporter un regard extérieur qui va poser une stratégie et une méthodologie limpide.
Encore une fois, ce qui est visible sur mon blog n’est qu’une réflexion de ma propre expérience. Si j’étais en contact avec des universitaires et des chercheurs (comme tu peux l’être), mes publications seraient sans doute plus théoriques. Pourtant, j’adore la théorie, les algorithmes et toute la partie plus synthétique du métier.

  • Crois tu que le milieu professionnel SEO français soit mature d’un point de vue méthodologique ? si non, que manque t-il ?

Les français se débrouillent très bien. A tous niveaux, nous avons de superbes réussites.
Maintenant, certaines pratiques sont limites ou carrément incompétentes, mais ni plus ni moins qu’ailleurs ou que dans d’autres secteurs d’activités.
Pour établir un semblant d’ordre, le travail de SEO Camp est intéressant. Je n’ai pas ménagé mes critiques quand je pensais que ça partait de travers, mais ils ont été à l’écoute et ont même réussi à me convaincre de participer. Rendez-vous le mercredi 02 mars à Paris pour le SEO Campus où je vais donner une conférence sur le très controversé PersonRank ou vote de popularité par le biais des actions d’un internaute.
Dans tous les cas, je ne sais pas ce qu’il faudrait pour améliorer l’existant. Pour ceux qui démarrent, c’est le grand brouillard. Pourtant, les tutoriaux, les guides et autres ressources sont innombrables et de qualité.  Peut-être qu’il y a trop de visions différentes pour permettre de tirer une vision claire. Pourtant, les fondamentaux sont quasiment immuables et nous avons un consensus d’approbation là dessus. Sans doute que les gens se compliquent le truc plus que nécessaire.
Plus globalement, le SEO français n’a pas instauré de French Touch. Pourtant nous en avons les moyens. Quelques coups d’éclats dans les concours de référencement ou au travers d’actions comme celles de la DarkSEOTeam (dont je fais partie) sur le Google Bowling (voir ici et ) et le vol du PageRank ont planté le drapeau français au sein de la scène SEO, mais il n’y a pas de mouvement canalisé et généralisé.
Pour ceux qui n’ont pas connu la DarkSEOTeam, nos faits d’armes ont reçu la reconnaissance de Matt Cutts puisqu’il a fait un faux hack le premier avril 2007 en prétextant que nous l’avions piraté.

  • Certification, normalisation, conférences, comment te positionnes tu par rapport aux initiatives de la scène SEO ?

Pour rebondir sur ma réponse précédente concernant SEO Campus, la certification est inutile pour ceux qui sont déjà installés dans le secteur, mais je vois comment ça pourrait apporter une légitimité aux nouveaux. C’est un peu tôt pour tirer des conclusions, mais ceux qui sont impliqués dans l’association travaillent dur. Ils vont arriver à leurs objectifs ; même s’il y a quelques embûches en route.
Je disais tout à l’heure que les français se débrouillaient bien. Cela concernait le secteur opérationnel. Par rapport aux initiatives comme les conférences, nous sommes largement derrière les Etats-Unis. Sauf que c’est pareil pour tous les pays non-anglophones. La distance avec la Sillicon Valley est aussi un frein.
En ce qui me concerne, je viens avec grand plaisir lorsque je suis convié, mais je n’ai (pas encore) l’envie de prendre des initiatives. Ayant bossé dans l’événementiel, je connais très bien le travail de dingue que ça représente. Du coup, je préfère ne pas me lancer dans des projets ambitieux car je n’ai tout simplement pas le temps.

  • Comment vois tu le futur du SEO ? Est ce que tu penses que le métier existera encore dans quelques années (ou alors est ce que Google nous aura tous fait disparaitre ?)

Je suis passionné par le référencement et les moteurs de recherche parce que c’est un secteur en pleine évolution. Nous possédons une base de connaissance stable, mais la couche supérieure est en mouvance perpétuelle et rapide. C’est fascinant, mais bien malin celui qui arrivera à prédire le futur.
Par exemple, quand on attend une réaction de Google pour combattre le spam, c’est plutôt l’émergence des applications mobiles qui remet en cause l’ordre établi. Pour revenir sur le cas de Google, je ne vois pas comment il pourrait changer la domination outrageante des spammeurs, webmarketeurs et référenceurs.
En fait, je préfère parler de visibilité plutôt que de référencement. Dans ce sens, j’appréhende la visibilité d’un site sur le plan global. Par exemple, si demain il fallait focaliser sur Facebook plutôt que Google, il suffit de procéder à un ajustement stratégique et méthodologique, mais la vision et l’attitude demeurent.

  • Aurais tu un conseil SEO à nous faire découvrir aujourd’hui ? Un de tes meilleurs secrets ?

Ce qui requiert le plus d’expérience concerne l’application de la bonne préconisation en fonction du cas particulier. Chaque site est sensiblement différent et ne peut pas forcément avaler la même préconisation que son voisin. Ainsi, copier les concurrents est voué à l’échec dans la plupart des cas. Bien sûr qu’il faut étudier les autres, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’on applique à l’identique ce qu’on voit sur les 3 premiers des résultats de recherche Google. Il n’y a pas un seul facteur qui fera la différence, mais plutôt la combinaison de centaines permettra d’accéder à la performance et la pérennité.
Pour voir ce qui cloche sur un site, on pourrait croire que personne n’a besoin d’un référenceur. Prenez une liste des facteurs bloquants ou ralentissants pour le référencement et regardez si c’est en place. Sauf que ça ne se passe pas comme ça en réalité. Chaque facteur influent le référencement s’incruste avec d’autres et doit être pris en compte pour sa pondération positive et négative. Ensuite, il faut adapter l’analyse au cas particulier. Par exemple, je peux laisser passer si je vois des URLs avec une règle de réécriture à tendance spammy sur un bon vieux site qui possède une certaine autorité. Tandis que sur un jeune site, ça sera immédiatement une préconisation beaucoup plus stricte, visant à baisser d’un ton l’optimisation. Sachant également que l’élément URL doit être pris en compte en corrélation avec la balise TITLE et la balise d’en-tête H1 ou H2.

Encore une fois, je remercie Laurent pour ces réponses détaillées à mes questions. N’oubliez pas que la discussion est ouverte, avec courtoisie, dans les commentaires…

Picture: courtesy of Abby Blank