Avant la montre : mesurer le temps ! La clepsydre de Karnak.
C’est avec grand plaisir que je vous invite à lire ce billet écrit par Caroline.
Bien sûr dans la pensée occidentale, le genre des Memento mori, ou les Vanités, sont toujours associés à un élément évoquant le temps qui passe, comme un sablier ou plus récemment la montre, l’horloge ou le cartel…S’interroger sur la brièveté de la vie n’est pas une nouveauté…c’est un concept déjà ancien notamment en littérature…si, si ! Rappelez-vous de vos cours de latin, un certain philosophe Sénèque écrivait déjà sur la Brièveté de la vie (De Brevitate Vitae). Pour résumer, si la perception du temps qui passe (et qui nous rapproche de la mort) est une idée ancienne…la mesure du temps n’était pas nécessairement exclusivement lié à ce concept fataliste. En effet, en Egypte ancienne, mesurer le temps permettait essentiellement de préciser les moments de la journée durant lesquels les rites liés au culte d’une divinité devaient être effectués. C’est le rituel du culte divin journalier…et les prêtres-astronomes étaient chargés de mesurer précisément le temps afin de déterminer ces moments clefs. Les anciens égyptiens utilisaient différents systèmes de mesure (attestés exclusivement en contexte divin…dans la vie de tout le jour, la position du soleil suffisait à déterminer le moment de la journée) : l’horloge à ombre, la visée astrale à l’aide d’un instrument appelée meret et la clepsydre.
C’est de cette dernière dont il sera question dans ce billet, et plus spécifiquement de la « clepsydre de Karnak ».
Découverte dans le temple d’Amon, de Karnak, elle est aujourd’hui conservée au musée du Caire (JE 37525). Objet de luxe, taillée dans un bloc de calcite d’une grande finesse et autrefois incrustée de cornaline et de pâte de verre opaque bleu turquoise, elle est datée du règne du pharaon Aménophis III (vers le XIVe siècle av. J.-C.). La Clepsydre est une « horloge à eau ». Elle permettait ainsi de mesurer le temps la nuit, quand le soleil ne brillait plus, complétant ainsi « l’horloge à ombre », ancêtre du cadran solaire. Au début de la nuit, la clepsydre était remplie d’eau jusqu’à sa bordure supérieure et l’eau s’écoulait de façon régulière par un petit trou réalisé dans le fond. La paroi interne de la clepsydre est décorée de 12 colonnes marquées chacune de 11 pseudo-trous plus ou moins espacés mais surtout étalonnés en fonction des mois de l’année. Ainsi, ils sont plus rapprochés en été qu’en hiver car les heures de la nuit durant l’été sont plus courtes que celles de l’hiver. Les Egyptiens pensaient que des hauteurs d’eau égales équivalaient à des temps égaux. Les moyens modernes montrent que avec les dimensions de cette Clepsydre (rayon du sommet = le diamètre de la base), elle retarde d’une demi-heure au bout de 6 heures, puis rattrape son retard. De plus, l’écoulement devient irrégulier quand le niveau est bas et à la fin de la nuit, il restait toujours de l’eau dans le fond de la vasque.
Par ailleurs, le registre inférieur de la clepsydre illustre les 12 mois de l’année égyptienne grâce à la mention de la fête la plus importante du mois et dont la lecture se fait dans le sens des aiguilles d’une montre. La comparaison avec d’autres documents, notamment des représentations astronomiques, a montré que ce registre reflétait une situation calendaire différente de celle du règne d’Aménophis III. Le décor est copié sur une clepsydre plus ancienne réalisée sous le règne de d’Aménophis Ier.
La méthode de l’horloge à eau sera améliorée mais le principe de base reste le même. L’emploi de la clepsydre était encore attesté en Haute Egypte, lorsque les savants de l’Expédition d’Egypte (à partir de 1798 ) visitèrent le sud du pays.