L’avenir de la science ?
Je ne sais pas si vous connaissez le site http://www.votonspourlascience.fr, il s’agit d’un site fort intéressant qui s’est donné pour mission « de faire de la science un enjeu politique et d’offrir la parole à un électorat qui se pose des questions sur les propositions des candidats à la présidentielle 2012 en matière de science et d’innovation. » Le but est louable, et pour l’instant la réalisation parait bonne, même si parfois je trouve que les question sont un peu trop consensuelles. Je m’explique, il s’agit souvent de questions ouvertes du type « que ferez vous pour blabla en 2012 ? », « quelle doit être le rôle de (au choix université, état, ministère, etc) dans la politique scientifique », l’inconvénient est alors que la qualité de la réponse est limitée par la réflexion du répondant sur le sujet. Hors, on voit que la réflexion est souvent pauvre, convenue, peu audacieuse, et surtout montre un manque de connaissance des répondants de ce qu’est la science, et des différences entre recherche, R&D, innovation, etc. Ceci étant, on ne peut rejeter la faute sur http://www.votonspourlascience.fr, la qualité et le contenu des réponses montrent bien où se situe le problème. On notera d’ailleurs que les réponses sont bien plus qualitatives pour les questions ayant trait à l’éducation supérieure, et plus engagées dans le domaine de la politique énergétique, ce qui ne surprendra personne. Dans le premier cas car c’est un domaine balisé et bien connu des candidats, le deuxième car c’est un élément différenciant entre candidats, qui correspond à une attente (supposée ?) de la population française. Cependant, pour être clair, je trouve la démarche de votonspourlascience très bonne, et c’est globalement une réussite.
En périphérie de ce projet s’est greffé un autre projet : contacter les blogueurs politiques afin de connaître les orientations (concernant l’avenir de la science) que ces derniers souhaiteraient voir proposées et débattues par leurs partis ou candidats respectifs. Là je vais être beaucoup plus sévère, car je ne comprends même pas l’intérêt de la démarche. Bien sur je ne suis pas blogueur politique, je suis même un scientifique (il parait qu’on dit comme ça, ce qui ne correspond pas à la réalité : je suis chercheur – et enseignant d’ailleurs – et j’adhère à la méthode de travail dite « scientifique », mais scientifique ce n’est pas un métier), mais je ne peux m’empêcher de ricaner nerveusement quand je vois les sujets abordés par les blogueurs politiques concernant l’avenir de la science.
Le premier post que j’ai lu donnait les thématiques de recherches importantes selon le rédacteur. Euh non, en fait le rédacteur donne 2 problèmes (stockage de l’énergie et nourrir toute la planète) qui selon lui sont les enjeux scientifiques de demain. Mais en fait, ce que je lis dans ce post, c’est une demande de la société, certes tout à fait louable, mais certainement pas l’avenir de la science. On est là dans une programmatique, d’ailleurs plus ingénierie que recherche car on y cible des problèmes concrets a priori, on parle non pas de l’avenir de la science, mais des problèmes qu’on voudrait résoudre dans le futur, en pensant que la science le fera pour nous. Il y a sans doute de plus une confusion involontaire entre recherche, R&D et ingénierie dans ce type de volonté affichée.
Le deuxième post que j’ai eu l’occasion de parcourir nous parle des écoles d’ingénieurs puis de la R&D qui doit s’inspirer des states. Sur le premier point c’est hors sujet, parler de la structuration de l’enseignement supérieur ce n’est pas parler de l’avenir de la science. Pour le deuxième on est plus proche du débat, mais cela mériterait de détailler tout cela, car rien n’est dit sur le fameux « système des states », qu’on nous ressort comme un marronnier à chaque occasion. Attention, je ne dis pas que le système américain est moins bon que le nôtre (a vrai dire je pense que qualitativement ils se valent, mais que c’est plus agréable d’être homme de science aux USA, car la valorisation du chercheur y est meilleur à tout point de vue – finance, enthousiasme, dynamisme -). Ce que je dis c’est qu’il faut être sûr qu’on parle de la même chose, et que cette chose est réelle (je me souviens encore d’un ami proche, qui est dans les cercles des organismes de financement de la recherche, et qui est tombé des nues quand on lui a appris que la majeure partie du financement de la recherche aux USA est l’apanage du secteur public). En passant, le débat sur les écoles d’ingénieurs est un débat qu’il faudra cependant avoir, en gardant à l’esprit que ingénierie et école d’ingénieur, c’est deux choses TOTALEMENT orthogonales.
Le troisième post mêle volonté sociale, éthique, et cumule les défauts des deux précédents, mais est beaucoup plus clair dans son discours « mon désir de citoyen soucieux du bien-être commun serait qu’on fasse ci ou ça ».
Au final, mon commentaire est qu’il ne faut pas confondre programmatique, politique scientifique, gestion structurelle, volonté sociale et science. Les hommes politiques n’ont pas la capacité à diriger la science, personne ne l’a d’ailleurs. Ce que l’on peut faire c’est dire quelles sont les attentes de la société, et décider où l’on met les moyens, et comment on les met. Au final les blogueurs, dont je parle dans ce post, c’est à cette question qu’ils ont répondu. Cette question est tout à fait légitime, elle est tout à fait importante, et ils y ont tout à fait répondu (quoique un peu légèrement).
A vrai dire, en tant que chercheur, ce que j’aimerai, c’est que la société nous dise quels sont les moyens qu’elle est prête à nous donner pour faire avancer la science, c’est à dire faire avancer la connaissance, dans toutes les directions possibles. Ce que j’aimerai également, c’est que la société pose clairement les limites de ce qu’elle est prêt à accepter pour cela, et là on pourra commencer à parler d’éthique, ce qui demandera une réflexion poussée sur ce que nous pensons être, collectivement et individuellement.